#0064 Alain GENESTAR


Premier roman d'un essayiste et journaliste spécialisé en politique. Suite à un terrible drame familial, le héros français, fasciné par l'Amérique du Nord, se rend à New York, écrit un roman à succès, puis séjourne en Arizona chez les Indiens Hopis pour chercher l'équilibre et la sérénité. L'oeuvre aborde divers milieux et sujets: le journalisme, le cinéma, l'édition, le jazz, la création littéraire, la drogue.
GENESTAR Alain, Le baraquement Américain, 1997, Grasset
Notes: "Il est impossible, du moins pour moi, d'entendre du jazz sans y superposer des images. Plus tard, j'ai privilégié la technique et l'écoute critique sur la réception passive […] libérait les images des disparus. Ils revivaient sur des airs de Miles Davis ou de Thelonious Monk. Cher Thelonious […] Le jazz seul a un langage constant et global […] Il parle à l'âme" (p.118-119) "Je commençais à me débrouiller aussi bien en anglais qu'au piano […] il fallait bien connaître sa langue, celle de Charlie Parker, de Duke Ellington, Lester Young, Billie Holiday ou Nat King Cole, dont les noms déjà étaient des mots d'anglais […] nous racontions la vie de Charlie Parker surnommé Bird […] parlions de Joe Oliver, le King de la Nouvelle Orleans, de Louis Armstrong, "Satchmo" les grosses lèvres, de Charles Mingus" (p.141-142) "Daniel Marnay, le patron de Jazz Magazine avait une connaissance encyclopédique et intime du jazz. Il pouvait en parler des heures […] Je partageais avec lui cette croyance que la musique s'explique, si toutefois elle est explicable, du moins se ressent-elle en fouillant dans l'âme de son interprète" (p.222) "Louis Armstrong venait d'être hospitalisé […] Ce n'est pas un Noir qui est en train de mourir. C'est Dieu. Et tous les amoureux du jazz savent que Dieu est Noir […] J'écris la chronique sur Armstrong à Harlem. Non. Tu pars de Harlem et tu poursuis sur les femmes. En 24, Armstrong enregistre à New York avec les plus grandes chanteuses de blues: Clara Smith, Ma Rainey, Eva Taylor, Maggie Jones et surtout Bessie Smith […] n'oublie pas: Reckless blues ou Sobbin' hearted blues" (p.223) "Je passais mes nuits au Vanguard, j'étais un habitué de tous les clubs: le Five Spot, le Blue Note, Nick's Tavern, le Minton, le très snob et très cher Birdland sur Broadway, le Small's Paradise ou le Count Basie's Bar. J'y écoutais les grands dont l'un d'eux gigantesque, Miles Davis" (p.224) Interview de Miles: "Il m'a reçu dans son duplex délirant […] J'ai aimé ton papier sur Louis en Avril, pas mal pour un Blanc […] Il ne m'a pas viré. Pourquoi ? Je ne sais pas […] J'ai vécu avec Parker à New York dans le même appartement pour tout connaître de lui J'étais dans son ombre, l'ombre du Bird […] Il n'y a qu'une seule musique Noire, elle regroupe tout […] au festival de Newport, on m'a fait un triomphe, alors j'ai dit à Coltrane: Mais qu'est-ce qu'ils ont ces cons à m'applaudir […] Je ne fusionne rien […] Il faut être Blanc et fêlé pour dire des trucs pareils. Moi, je confronte mon style à celui de Mc Laughlin et lui me répond. Comme le saxo de Coltrane me répondait. C'est tout. N'essaie pas d'expliquer cela avec tes théories à la con […] avec Charlie, on s'est défoncés à mort pendant cinq ans, et puis j'ai voulu arrêter […] couché par terre, j'ai regardé le plafond pendant douze jours […] quand je me suis relevé, c'était fini […] Charlie est mort, je ne pouvais plus jouer, puis j'ai repris ma trompette, engagé Coltrane, et les connards de Newport m'ont fait un triomphe […] Il reprit sa trompette et me fit signe de le suivre […] juste un piano en plein milieu […] Tu sais jouer ? -Mal. -On s'en fout. Donne moi la réplique […] Je connaissais par cœur The man I love, la célébre conversation entre Thelonious Monk et Miles Davis […] Je jouais et l'écoutait répondre à mes notes […] Le lendemain […] j'ai écrit l'interview pour la double page de Jazz Magazine" (p.225-235) "Miles Davis à dîner dans la Pretty Factory […] question posée par l'un d'entre eux: Pourquoi les peintres modernes sont-ils des Blancs et les jazzmen le plus souvent des Noirs? […] formulée par Miles: On peut vivre avec une trompette mais il faut des années et beaucoup de chance pour gagner de l'argent avec un pinceau […] Si un Noir peignait comme Jasper Jones, les critiques Blancs diraient que sa peinture est de l'art brut, primitif, africain" (p.249) Dans la Réserve Hopi: "Sur un phono jaune et vert acheté au General Store, je réécoutais mes vieux disques de Thelonious Monk, Crepuscule with Nellie, Charlie Parker, Now's the time, Miles Davis, So what, Bitches brew" (p.304) "La limousine s'arrêtait dans chaque village de maisons basses, Miles descendait et jouait, des Indiens s'approchaient pour l'écouter, il jouait encore pendant une heure puis les interrogeait et remontait […] C'était le plus beau concert itinérant donné à la mémoire du peuple Hopi […] Les notes montaient jusqu'à lui […] mélangeait Aranjuez et The man I love […] Sur le terrain de basket, au centre, près d'une longue voiture blanche, un homme habillé en serpent jouait, sa trompette toute droite au-dessus de lui, dressée vers le ciel" (p.316).

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