#0030 - Pierre MOINOT


Dans les années cinquante, un membre d'un groupe d'amis amateurs de peinture est assassiné dans une des salles de l'Hôtel Drouot. Il venait d'y acheter à bas prix un tableau qu'il considérait comme un Vermeer disparu, Le cavalier à l'aiguière. Un autre meurtre suivra. La passion est le véritable sujet d'Attention à la peinture. Passion de la peinture, du rugby, du Béarn, du jazz, de la bonne chère et du bon vin.
MOINOT Pierre, Attention à la peinture, 1997, Gallimard Noire
Notes: "Nous allons faire les bourgeois et dîner chez Lipp, après vous choisissez, le hot au club Saint Germain ou le New Orleans au Vieux Colombier […] au Club Saint Germain, de grands musiciens américains qui passaient sur les scènes de la rive droite venaient souvent, après leur spectacle, faire un bœuf, comme on disait, avec le violon magique de Grapelli, Martial Solal ou Arvanitas au piano, Michelot à la contrebasse, bien d'autres dont Django Reinhardt que la maladie éprouvait déjà, au Vieux Colombier, on dansait plus cool avec les clarinettes de Sidney Bechet et de Claude Luter qui avait quitté le Lorientais, la trompette de Boris Vian, Don Byas l'ancien saxo de Duke Ellington, Moustache à la batterie, Django qui se partageait. Je vous propose de faire comme Django, d'abord le be-bop rue Saint Benoit, ensuite nous danserons au Vieux Colombier des blues de Glenn Miller ou Nuages, nous danserons sur Nuages" (p.70-72) "Mon petit fils […] Il a manifesté quelque étonnement presque admiratif à l'idée que j'allais au Vieux Colombier entendre la clarinette de Sidney Bechet, ou à la Rose Rouge où Gréco chantait Les feuilles mortes. Ce qui le passionne en revanche, c'est l'idée que sa géniale grand mère faisait le soleil dans une des figures du be-bop" (p.163).

#0029 - Spike MILLIGAN


Spike Milligan est né en Inde en 1918. Il devient musicien dans un orchestre de jazz, puis se fait connaître après la guerre comme auteur et acteur comique. En septembre 1939 enrôlé sous les drapeaux, il prend beaucoup plus à coeur la réussite du groupe de jazz qu'il a formé que la formation dispensée (de façon un peu courtelinesque) par les autorités militaires. Milligan multiplie depuis quarante ans les best-sellers. Auteur d'une cinquantaine de livres, il n'a jamais été traduit en France avant ce livre.
MILLIGAN Spike, Mon rôle dans la chute d'Adolphe Hitler (Adolph Hitler, my part in his downfall), sd, Anatolia / Le Rocher 1998, Trad. Béatrice Vierne
Notes: "Depuis trois ans, je jouais de la trompette dans l'orchestre des Ritz Revels […] C'est le dernier cri en Amérique. Cab Calloway a le même veston. -Ça doit être un rude con, déclara notre batteur" (p.24-25) "J'avais emmené ma trompette à la guerre […] Inutile de dire que j'entrai au plus vite en contact avec les mordus du jazz […] Harry jouait du piano […] Il ne savait pas lire la musique, mais il avait deux tonalités de prédilection, le fa dièse et le do dièse ! Les deux tonalités qui frappent de terreur tout musicien de jazz […] Il jouait de la guitare […] On demande un batteur […] Candidats de couleur, s'abstenir, exception faite pour ceux qui porteraient des noms tels que Duke Ellington […] Bon, et maintenant où trouver une batterie de jazz ? […] Qui se prenait volontiers pour un Bing Crosby en uniforme, se chargeait souvent des parties chantées […] Il nous déclara qu'a son avis Charlie Kunz était le plus grand pianiste de jazz du monde. Une espèce de Duke Ellington blanc" (p.47-52) "Club du rythme de la BBC organisait des auditions pour dénicher les meilleurs musiciens de jazz inconnus -les gagnants devaient enregistrer un disque […] En bref, que l'on sache que je fus élu meilleur trompettiste, et qu'en compagnie du meilleur alto, du meilleur trombone et du meilleur ténor, j'enregistrai un disque. Le pianiste engagé par la BBC n'était autre que George Shearing, alors presque inconnu, et pendant une heure, en compagnie de Harry parry, nous gravâmes six faces […] J'avais le sentiment d'être désormais un musicien de jazz confirmé, et avant de me laisser partir George Shearing me lança: -J'espère qu'on se reverra et qu'on rejouera ensemble" (p.62-63) "Ma semaine de service gravitait autour d'un phonographe […] et des disques de jazz que je rapportais de mes permissions. Une tasse de thé, une cigarette et un disque de Bunny Berrigan en train de jouer Allons-y, c'était le pied" (p.87) "Je fais une imitation de Paul Robeson. Vous arrivez a point nommé pour mon bis. Et je me mis à chanter: Ole man ribber, dat ole" (p.94) "La maison avait été détruite par une bombe, et parmi les victimes figurait ma collection de disques -tous sauf un que je posséde encore: Jimmy Luncefords Bugs Parade" (p.117) "Du jazz ? dit-elle. C'est pas ce machin qui fait tant de bruit ?" (p.120) "On pouvait y admirer l'orchestre de Glenn Miller dans Sun valley serenade, c'est-à-dire un véritable festin de jazz pour grand orchestre, avec en prime au moins dix excellentes chansons" (p.123) "Nous jouâmes pendant une heure […] et les inévitables blues" (p.146) "C'était merveilleux de farfouiller dans la cale parmi les chenillettes et les obusiers, et de tomber sur une batterie de jazz […] quoi de plus merveilleux que de faire du jazz. Car, enfin, le jazz n'a jamais déclenché une guerre, ça c'est sûr" (p.161).

#0028 - Kleber HAEDENS


HAEDENS Kleber, Lettres de la petite ferme, 2000, Grasset
Mélange de carnet de bord, de conversations à voix haute et de notes quotidiennes. Haedens, écrivain et chroniqueur à Paris Presse, France Soir et au Journal du Dimanche.
Notes: "Nous dansions depuis minuit dans une cave enchantée par un petit orchestre de jazz, à la fois fièvreux et doux, qui jouait tous les soirs dans le style le plus jeune, celui de la Nouvelle Orleans" (p.19). Tout un chapitre qui relate une visite chez Hugues Panassié à Montauban. Avec en prime une citation de la chère Madeleine Gautier: "Ils ne trouvent pas Pannassié parce qu'ils le cherchent derrière alors qu'il est loin devant" (Sic !) (p.56-61) " Je regarde Ray Charles qui chante et s'accompagne au piano […] la voix traduit le déchirement et la douleur […] Il nous fait bien sentir, par comparaison, que la pop music n'est qu'une dégradation du jazz qui serait tombé au niveau des sensibilités les plus primitives" (p.161).

#0027 - Rick DEMARINIS


DEMARINIS Rick, L'Apprenti croque-mort (The morticiain's apprentice), 1994, Denoël 1995, Trad. Martine Leroy Battistelli
Croque-mort et jazz…
Notes: "le jazz libère, surtout le bop quand il est hot. Le hot bop est déchaîné, irresponsable et sans contrainte" (p.22) "j'écoutai mon disque de Gerry Mulligan […] Quand je fus rassasié de son style maîtrisé, je passai aux gueulards, Big Jay McNeely, Illinois Jacquet et mon préféré, Charlie Ventura. La musique -le jazz- me mettait dans un état d'esprit différent. Comme lorsqu'on est saoul. Le saxo ténor de McNeely, de Jacquet ou de Ventura est capable de vous forer des trous dans la cervelle. La lumière, tel un phare de train, souffle par ces trous. Les déplacements vibrés des cornements et gémissements de ces brise-béton, les rebops percutants bouillonnent d'amour, de haine, de détresse et de plaisir impénitent" (p.26) "Sans aimer le bop, il s'y connaissait assez pour remarquer des liaisons involontaires dans certains enregistrements de Charlie Parker. Bird n'avait pas eu sa dose, ce jour-là" (p.40) "ils passaient ce jour-là du Rhythm & Blues pur et dur. Midnight special, de Joe Turner, cognait dans le haut-parleur […] Texas turkey, de Big Jay McNeely, évoquait un convoi en train de dérailler […] Le tempo érotique de Night train était du tonnerre emprisonné dans une barrique" (p.49) "ils passaient maintenant du bebop […] un concert de Charlie Ventura au Civic Auditorium de Pasadena, en 1949 […] un morceau de Benny Green, Bennies from heaven […] Et voici le comte -Conte Condoli- dans un arrangement improvisé […] dans Fine and dandy […] Ventura avait attaqué son solo […] Il était tellement habile, quand il s'amusait avec ces tons purs, faussement modeste, puis comme si […] l'humilité était ridicule chez un saxo ténor, il se déchaînait dans un lancinant et tonitruant martèlement à vous faire éclater la tête, et qui disait que la vie est bien une improvisation, du début à la fin" (p.58-59) "Cette maudite musique de bebop te met en transe, Ozzie. C'était vrai. Quand j'écoutais Ventura, Parker, Mulligan ou Jacquet, je n'étais plus là. Comme si la musique prenait la place de tout ce qui encombrait ma tête, moi compris" (p.97) "Flip Phillips venait d'enregistrer un album avec Charlie Parker et l'orchestre afro-cubain de Machito […] les deux stupéfiants saxos foraient des trous béants dans toute cette triste merde qui prétend être notre univers. On en arrivait presque à croire qu'il existait quelque part un endroit radieux. Un endroit où s'épanouissaient les musiciens et où seuls pouvaient accéder les fanatiques de jazz. Celui qui ne pigeait pas le bop en était exclu" (p.102) "De temps en temps, le présentateur prenait des risques et passait un morceau d'Earl Bostick (sic !) généralement Flamingo ou Ebb tide […] J'avais faim du saxo destructeur de Ventura ou de celui de Jimmy Giuffre, très bavard mais tout aussi intéressant. Le saxo a pour but de vous secouer, pas de vous ramollir. C'est un instrument hors-la-loi, pas un bon citoyen. Tous les moins de vingt ans qui ont du poil au cul le savent" (p.108) "Lui aussi était un fana de jazz, mais il en savait beaucoup plus que moi sur le sujet. Son amour était d'ordre intellectuel, alors que chez moi il était purement émotionnel […] King Oliver, Blind Lemon Jefferson, Freddy (sic !) Keppard et les Original Creoles, Luckey Roberts, Willie 'Lion' Smith, James P. Johnson, rien que des noms qui m'étaient inconnus […] on devrait apprendre ça aux gosses à l'école. Pas question de piger que dalle à ce pays si on n'a pas été initié à sa musique d'origine, car c'est son âme authentique […] il avait dérivé dans un canot de sauvetage avant d'être secouru. Il disait que le jazz l'avait aidé à survivre. Avec deux autres gars […] ils avaient improvisé un petit orchestre en fabriquant des instruments avec des bidons d'eau vides et les fils d'une radio de secours hors d'usage. Ils s'étaient donné le nom de Dinghy Blues Band" (p.117) "J'emmenai Collen à un concert de Big Jay McNeely […] L'orchestre attaqua avec son indicatif, The big Jay shuffle, un morceau lent, débutant par un harmonieux duo de saxos, qui ensuite exécutèrent chacun un solo anodin. Un appât qui vous alléchait, avec sa nonchalance, l'air de dire, et alors ? […] Ensuite, ce fut le déchaînement. Ils reprirent avec Texas turkey, un morceau honk et screech, joué sur un tempo ultra-rapide […] Big Jay ôta sa veste et se coucha sur le dos, cornant, gémissant, de son saxo devenu sa véritable voix […] Le saxo racontait l'histoire de cet homme. Seuls ses pieds et ses épaules touchaient le sol, son dos s'arquait à chaque détonation, et l'hystérie s'empara des jeunes filles blanches. Quelques-unes montèrent sur la scène pour embrasser le pavillon du saxo, d'autres étaient prises de convulsions" (p.123-125) "Il est très bien, ce Ventura, mais c'est plus un homme de spectacle qu'un musicien. Metronome et Down Beat ont dit tous les deux que c'était le meilleur orchestre de bebop de l'année […] Il avait mis un disque de Miles Davis. Je ne comprenais rien à Miles Davis. Il était trop froid pour mon goût. Et même plus que froid. Il était la glace […] Il finit par me laisser mettre mon disque de Ventura. Je tenais ma chance de lui montrer ce qu'était le hot bop, qu'il était capable d'abattre des forteresses de connerie, qu'il n'avait pas besoin d'être subtil, car il y avait encore une place, dans ce monde, pour du bon gros jazz, bête et méchant […] Non, ce n'est pas génial. Bird était génial. Lester Young est génial" (p.137, 139-140) "Collen et moi dansions, enlacés, sur des airs de Rhythm & Blues […] Ivory Joe Hunter chantait I almost lost my mind" (p.147) "Staline confisqua tous les saxophones de Russie. Il avait décrété que c'était un crime politique d'en posséder un. Il avait peur de cette autre voix humaine, née en Amérique. Un jour, quelqu'un lui avait joué du jazz de l'ancien temps, et il y avait vu de mauvaises nouvelles pour les dictateurs. Il appelait ça la décadence occidentale. Ces ardents coups de langue déstabilisaient les tyrans et rendaient leur propagande transparente. Impossible de bâtir une société-fourmilière si les travailleurs écoutent du jazz. Tonton Joseph avait entendu le message du jazz -Va te faire foutre, Julot, je me tire […] Mais peut-être l'oncle Joseph allait-il autoriser les instruments glacés du bop d'avant-garde. Avec ces instruments-là, vous êtes obligé de rester tranquille et d'écouter. Ils vous forcent à réfléchir, vous perturbent et vous inquiètent. Ils ne vous donnent pas envie de frapper des pieds […] en pensant aux grognements, aux plaintes et aux glapissements d'un Big Jay McNeely ou d'un Charlie Ventura. Ces instruments froids vous expédient dans les congères de la contemplation stoïque. C'est plutôt Je suis foutu, que Va te faire foutre"(p.181) "Nous écoutions un disque de Miles Davis. J'entendais la beauté de chacune des notes, prises individuellement, j'entendais la brillante accélération des arpèges, j'entendais même la solitude déchirante de la voix de la trompette […] mais je ne parvenais ni à comprendre ni à aimer […] -L'oncle Joseph aimerait bien piquer sa trompette à Miles, depuis qu'il s'est aperçu que beaucoup de Russkofs l'appréciaient. Il n'est pas nécessaire de frapper des pieds et de crier pour rameuter la police de la Pensée. Dans le temps Louis Armstrong était lui aussi en marge. Un de ces jours, un gus s'amènera qui jouera des notes qui feront que Miles Davis paraîtra ringard […] j'étais allé écouter un concert de Dave Brubeck. Le Brubeck Quartet n'est pas difficile à écouter, mais c'est cérébral. Comme pour tout le jazz d'avant-garde, il faut comprendre afin de pouvoir s'adresser des félicitations à soi-même […] Les rythmes de Brubeck sont si étranges qu'ils vous donnent envie de rire […] Quand Paul Desmond avait attaqué son solo au saxo ténor, le public avait explosé, croyant qu'un gus déchaîné allait les sauver enfin et allait tout faire sauter […] Mais Desmond n'était allé nulle part, si ce n'est dans un lieu monacal, à l'intérieur de son vaste crâne […] À l'évidence, cet alto à lunettes, qui avait l'air d'un professeur de maths, ne leur parlait pas, il se parlait à lui-même et aux autres musiciens. Qu'étaient devenus les saxophonistes d'antan, chambardeurs, risque-tout, et chacun pour soi ? […] Ensuite, il mit un disque de Mezz Mezzrow et dit: -Ce type me déchire le cœur. Mezzrow […] jouait de la clarinette lugubre, mais il prenait chaque note au sérieux […] On entendait Mezzrow à l'intérieur de chaque note, une déclaration personnelle du blues. Il n'était ni Benny Goodman, ni Buddy De Franco, mais ses malheurs s'entendaient dans chacune de ses phrases […] Le blues me caressait la base du cerveau" (p.182-185) "L'orchestre était cubain, deux saxos, deux trompettes, une guitare, des percussions […] une contrebasse, des claves et une marimba. Une musique qui chauffait le sang, un mélange de jazz et de rythmes cubains, capable d'animer des pierres […] Le whisky et le blues -la tequila et le jazz cubain" (p.223-224) "Je mis un disque de Willis Jackson et la vie m'apparut sous un meilleur jour. Je le fis suivre par Mulligan, puis du disque Charlie Parker-Flip Phillips-Machito, qui avait un puissant pouvoir euphorisant. Enfin, les explosions au ras du sol de Big Jay McNeely […] Big Jay, couché sur le dos, arrachait un cri de ses entrailles noires, pour le propulser à travers son vieux saxo" (p 262) "j'enlevai le disque de Bach pour mettre à la place mon nouveau Charlie Ventura. La plainte généreuse de son saxo balaya la solennité ouatée qui régnait dans la salle […] L'orchestre de Ventura amplifiait la vie. La glorifiait […] La vie est un poumon délirant, qui enfonce des clous d'air dans les cuivres. La vie est une improvisation, avec des riffs extatiques […] Voilà ce que j'entendais dans la version d'Euphoria, par l'orchestre de Ventura" (p.288) "Nous venions de rentrer […] d'un concert de Stan Kenton et l'électricité de la musique me chauffait toujours le cerveau. Vito Musso, le saxophoniste baryton de Kenton avait mis le public K.O. avec ses âpres solos. Cet incroyable orchestre vous emplissait d'une sorte d'hélium et vous donnait l'impression de vous envoler […] dans ma tête Vito Musso continuait à faire sauter la baraque, et mon pied marquait joyeusement la mesure au rythme de son énergique solo, défieur de mort […] Je mis le disque […] du jazz lugubre de Mezz Mezzrow. Nous étions de plus en plus cafardeux […] la triste clarinette de Mezzrow nous emporta ailleurs, dans un lieu doux-amer et confiné à l'extrême" (p.317-318).

#0026 - Sophie EDELMAN


EDELMAN Sophie, Destin d'une chanteuse de blues, 1986, Seuil
La seconde suivante, Jackie était là. Elle semblait aérienne. Un murmure admiratif parcourut la salle. Jackie se tenait à l'avant scène son corps d'ambre ployé au dessus du micro, prête à cracher le blues. Ceci plus une super photo n&b sur la couverture ne donne, malheureusement, que cette BabyLouterie.
Notes: "J'avais allumé la radio. Nina Simone chantait" (p.18) "Je me suis levé pour glisser une pièce dans la fente. J'ai appuyé sur une touche Don't be cruel et je suis retourné à ma place" (p.24) "Le gros pianiste noir attaqua les premiers accords. Jackie chanta Baby Lou en fermant à demi les paupières […] Billie Holiday la chantait […] Je reconnus les premières mesures de All of you […] Jackie accepta de chanter une fois encore Baby Lou" (p.32-34) "La ville entière chantait Baby Lou en se riant de moi" (p.63) "il y avait quelqu'un qui fredonnait Baby Lou" (p.79) "A présent, mesdames et messieurs, voici Baby Lou, la chanson préférée de nos auditeurs" (p.97) "Jouez. Chantez Baby Lou […] Les paroles de Baby Lou, vous les connaissez […] Baby Lou, je la connais"(p.112).

#0025 - Antonio MUNOZ MOLINA


MUÑOZ MOLINA Antonio, L'hiver à Lisbonne (El invierni en Lisboa), 1987, Seuil 2001, Trad. Philippe Bataillon
Dans une chambre d'hotel de Madrid, un pianiste de jazz raconte par bribes, à un ami, l'histoire de son amour pour une femme. Une grande partie du récit se situe dans des clubs de jazz: le Lady Bird, le Satchmo et l'on voit régulièrement jouer le trio du pianiste mais on ne les entends jamais. On ne sait pas ce qu'ils jouent ni comment. Celà vient sans doute du fait que le narrateur avoue ne rien connaître au jazz !
Notes: "Je devrais être un Noir, jouer du piano comme Thelonious Monk" (p.25) "il se déclarait fanatique de jazz, d'Art Tatum […] le jazz comme le flamenco est la passion d'une minorité" (p.77) Stormy weather […] Allons au Lady Bird. Je veux que tu me joues ce morceau, Toutes les choses que toi tu es (sic ! Bravo Monsieur le Traducteur !)" (p.106) Fly me to the moon […] En jouant, ils échafaudaient de resplendissantes architectures translucides qui tomberaient en ruine, comme de la poussière de verre, ou bien ils établissaient de longs espaces de sérénité qui voisinaient avec le pur silence, puis se hérissaient à l'improviste au point de blesser l'ouïe et de l'entourer d'un labyrinthe de dissonance et de cruauté. (sic ! Alors là, il n'y connait peut être rien au jazz mais il a de l'imagination et du vocabulaire, ou des revues de jazz (pas de noms !) dans lesquelles il a trouvé ce chef d'oeuvre descriptif !) […] Just one of those things, Alabama song" (p.147).

#0024 - Dallas MURPHY


MURPHY Dallas, Lover man (Lover man), 1987, Seuil 1994, Trad. Robert Pepin
Notes: "Plus que tout ou presque, j'aimais ne rien faire. Pour moi, la paix, c'était tirer mon fauteuil Morris jusqu'à la fenêtre qui donne à l'ouest, poser mes pieds sur l'appui et me ravir de passer des heures entières à écouter du jazz en regardant les remorqueurs, avec leurs feux rouges et verts, manœuvrer sur l'Hudson. Alors, je fumais une pipe pour me concentrer et par-dessus les eaux noires prenais mon essor avec les plus grands. King, Count, Duke, Prez, Major, Fats (les deux), Chu, Trane, Diz, Chick, Sonny, Bird, Bud, Cootie et leurs collègues, j'ai plané avec tous. Mon chien, Jellyroll, partage mon enthousiasme. Dès que l'ampli donne à fond, il s'enroule dans son Lit à Chien et se lèche les couilles de plaisir. En jazz, mes goûts sont assez larges, mais je crois que Jellyroll, c'est surtout le be-bop qui le branche" (p.9) "Tandis que Professeur Longhair chantait la beauté de quelques cinglées de Rampart Street" (p.71) "Je mis Eric Dolphy sur la platine, douleur exquise de son jeu" (p.76) "Bill Evans, les séances au Village Vanguard, enregistrement Milestone avec Scott La Faro et Paul Motian" (p.112) "On fêtait la naissance de Duke. Do nothing till you hear from me. Ray Nance au cornet à pistons, Russel Procope au saxo alto, Gus Johnson à la batterie. J'attendis que Ray Nance ait fini son solo pour me diriger vers mon téléphone" (p.116) "Je choisis un Ben Webster-Art Tatum, avec Red Callender à la basse et Bill Douglass à la batterie, je voulais du somptueux et du lucide […] J'écoutais All the things you are, puis Where or when, mais n'arrivai pas à me concentrer" (p.185).
Aussi cités: John Coltrane, Elvin Jones, McCoy Tyner, Charlie Parker, Sonny Rollins, Lady Day, Ella, Julius Hemphill, Duke Ellington, Perry Como.

#0023 - Reggie NADELSON


Artie Cohen, émigré russe, a vingt ans de service dans la police de New York et songe sérieusement à démisionner. Il a un faible pour les belles américaines, le jazz, et pense avoir définitivement laissé derrière lui sa russie natale. Mais le passé le ratrappe lorsqu'un ami de son père, ancien général du KGB, est assassiné en plein talk show télévisé.
NADELSON Reggie, Mercure rouge (Red mercury blues), 1995, Bourgois 1997, Trad. Michel Doury
Notes: "Ella Fitzgerald dans "Give it back to the indians" […] Etre un véritable Américain. Jouir de la vie. Ecouter Ella Fitzgerald. C'était OK" (p.16) "J'avais mis un cd de Chet Baker, It never entered my mind. Comment un blanc pouvait-il jouer comme ça ? "Il y a ce petit blanc sur la côte qui va tous vous bouffer vivant", aurait dit Charlie Parker après avoir entendu Chet pour la première fois. Je suis même allé en pèlerinage au Lighthouse, le club d'Hermosa Beach où jouait Chet. Et Shortie Rogers" (p.87) "Personne n'écoute. J'ai mis Peggy Lee" (p.94) "Interprétait des morceaux des Beatles […] un pot-pourri de Stevie Wonder […] a joué Born in the USA […] dans une version de I just called to say I love you" (p.102-109) "Un trio que je n'avais jamais vu a joué Desafinado. Stan Getz s'en sort mieux, a-t-elle dit. -Oui, vous connaissez Getz ? -C'est le meilleur […] J'aime vraiment beaucoup Tony Bennett. Peut être encore plus que Sinatra […] et a attaqué Someone to watch over me" (p.140-144) "Dans le juke box, quelqu'un a mis Harry Connick, j'ai marmonné: -On pourrait pas baisser ça ? (p.156) "Les T-shirts Jimi Hendrix […] que j'entende les Beatles pour la première fois […] j'écoutais La Voix De L'Amérique sur les ondes courtes. Willis Conover's Jazz Hour?" (p.168) "J'ai mis Kind of blue de Miles Davis […] Miles Davis, c'est très mauvais à jeun […] J'ai mis Stan Getz sur la stéréo. […] tout ragaillardi par Stan Getz" (p.172-174) "J'ai mis Gerry Mulligan dans Round midnight avec Monk, simplement pour me rappeler que la vie existait" (p.221) "Une splendide collection de disques de Klezmer" (p.228) "Un gros jeune homme aux cheveux noirs chantait Worried man blues en s'accompagnant d'une minuscule mandoline" (p.322) "Les vieux classiques du jazz, Oscar Peterson, Django Reinhardt, Stan Getz. Et Chet Baker dans My funny Valentine" (p.384).

#0022 - Jean SABLON


SABLON Jean, De France ou bien d'ailleurs, 1979, Laffont
Notes: "Le Grand-Ecart se trouvait à Montmartre, rue Fromentin […] A l'entrée, un orchestre de Noirs américains, composé de quatre ou cinq musiciens, dont un pianiste virtuose de jazz qui avait l'air d'être descendu d'une affiche de Paul Colin. Il jouait magnifiquement les airs de Gershwin, Show-boat entre autres, et de merveilleux blues" (p.33) "Or, un jour, l'adjudant entra, furieux, et demanda: -Qu'est-ce que c'est que ce raffut ? C'était peut être un de ces airs de jazz que le bon peuple considérait encore comme de la musique de sauvages […] Mercenary Mary, Il avait fait de grands frais, avait engagé un très bon orchestre de jazz dirigé par Léon Vauchant" (p.43) "J'allais oublier la Rhapsody in blue enregistrée par Paul Whiteman avec au piano George Gershwin, que je jouais plusieurs fois par jour" (p.52) "A l'époque du Casino De Paris, mon ami Earl Leslie qui, comme moi, aimait beaucoup le jazz et les bons musiciens, m'avait emmené un soir à la Boîte A Matelots que venait d'ouvrir Léon Voltera. Un orchestre était installé dans un voilier. Les musiciens étaient vêtus de tricots rayés de marin et parmi eux se trouvait un guitariste qui faisait des étincelles: Django Reinhardt. Je retournai très souvent l'écouter et nous devînmes des amis. Je passais quelquefois le chercher très tard et nous allions entendre à Montparnasse, à la Croix-Du-Sud, un de mes meilleurs amis, André Ekyan, qui y jouait et dirigeait l'orchestre. C'était le meilleur saxophoniste, le numéro un de Paris […] J'avais au deuxième acte une chanson que je commençais très doucement, d'abord en blues, et que je terminais en me fâchant, en changeant de rythme et en gueulant comme un âne, dans le style de Cab Calloway" (p.81-82) "Le plus difficile de mon tour de chant était de récupérer tous les jours Django ! Quelquefois déjà, pendant les répétitions, il avait oublié de venir. Ekyan me promit de se charger de lui. C'était vraiment du dévouement, car le pauvre ne se doutait pas de ce à quoi il s'exposait ! C'est-à-dire qu'il fallait aller le chercher dans sa roulotte à la porte de Chatillon tous les jours" (p.93) "André Ekyan jouait (un exploit) en même temps de la clarinette et du saxo, et Django, en solo, jouait le Saint Louis blues. Le début se passa bien, puis, pendant son solo, Django entendit les gars du promenoir qui n'étaient venus que pour admirer les courbes de Joséphine, crier: -Tu vas la casser, ta guitare !" (p.96) "Un pianiste noir américain, Garland Wilson […] Il fut, à mon avis, un des meilleurs pianistes de jazz de tous les temps. Il joua très longtemps au Bœuf, chez mon ami Moyses" (p.99) "Django commença le Hot Club avec le Quintette de France. Vola à la basse et le merveilleux Grappeli au violon […] Mais le soir de l'ouverture, notre Django, après avoir joué un peu, sortit, et ne revint pas de la soirée" (p.100) "Il y avait là (52ème Rue) Louis Prima, Stuff Smith, une petite chanteuse noire qui avait un grand succès, Maxine Sullivan, Art Tatum et je ne saurais tous les nommer […] Je possédais un disque de jazz, à Paris, d'un musicien qui s'appelait Casper Readon et qui, bien que harpiste classique, était devenu virtuose du jazz […] Nous nous rencontrions souvent le soir pour aller à Harlem ou faire les boîtes de jazz où il était très aimé" (p.124) "C'est à cette époque à peu près que Frank Sinatra, qui était chanteur d'orchestre et l'un des meilleurs, fit ses débuts dans un tour de chant à l'Embassy, 57ème Rue Est. Devant la porte, sur un grand panneau, figuraient des agrandissements de ses meilleures critiques dont une, de Danton Walker dans le Daily News: Frank Sinatra, le meilleur devant un microphone depuis Jean Sablon" (p.178) "Duke Ellington avait donné deux concerts à Carnegie Hall où il avait réservé une place d'honneur pour Django, en début de deuxième partie. J'avais assisté avec la plus grande joie au premier concert où Django avait fait une apparition brillante, mais la deuxième fois, Django avait eu la miraculeuse idée de se mettre au lit pour se reposer en fin d'après midi. Il me raconta donc que son réveil n'avait pas fonctionné" (p.219).
Aussi cités: Bing Crosby, Dorothy Lamour, Fred Astaire, Rudy Vallé, Cole Porter, Richard Rodgers, Dinah Shore, Eddy Constantine, Marlène Dietrich, Ruth Etting, Ginger Rogers, Vic Damone, Sophie Tucker, Dany Kay, Harry Belafonte, Pearl Bailey, Evelyne Knight, Duke Ellington, Gene Kelly, Harry James, Joséphine Baker, Johnny McLean, Ethel Waters, Victor Young, Jimmy McHugh.

#0021 - Brice HOMS


HOMS Brice, Blue, 1993, Flammarion
Exergue: There's a girl here and she's almost you. Almost blue.
Notes: "La légende dit que cette vieille cave voutée a vu défiler tous les grands du jazz […] Il y a des portraits de Vian, de Bechet, de Miles, de Bird, de Dizzie (sic !), d'Erroll Gardner (re-sic !), de Stan Getz, de Coltrane, d'Ornette Coleman. Il y a cette photo légendaire de Dexter Gordon qui fume une cigarette, le saxo posé sur les genoux. Il y a des photos de jam, des photos de concerts, et puis il y a cette photo de Chet Baker prise par Bill Claxton dans les années cinquante ou l'on voit Chet accoudé, la trompette à la main, qui regarde par-dessus son épaule en direction de l'objectif […] Ma trompette à la main -sans étui comme toujours- je grimpe sur la petite estrade de bois sablé […] Je chauffe ma trompette en soufflant dedans, je me fais les lèvres. Je laisse aller un peu de salive dans l'embouchure pour qu'elle devienne un prolongement de ma bouche et pas simplement un instrument plaqué sur elle. C'est une vieille Selmer dorée, ses pistons sont doux et chauds sous les doigts, je l'ai bien en main et peu à peu j'arrive à l'oublier. Le guitariste accorde sa Gibson demi-caisse et égrène un accord de neuvième, c'est un blues lent et mélancolique, une ballade de George et Ira Gershwin, Someone to watch over me. La contrebasse rentre sur une note grave. Je pose l'embouchure sur ma bouche, sans jouer, juste pour la sentir, je laisse passer huit mesures et j'attaque détimbré. Je ferme les yeux et je laisse monter. J'y mets tout […] ça part de là, du ventre, les épaules un peu voûtées, recroquevillé sur soi, les mains presque jointes, la tête baissée" (p.14-16) "Je me souviens parfaitement de la salle […] Sur la scène, un type aux cheveux graissés soufflait dans une trompette argentée. Par moments, il baissait la trompette, la serrait contre son buste et chantait dans le micro. Il chantait comme il jouait, dans le souffle. Ce type avait l'air inconsolable et pourtant il y avait ce demi-sourire qui ne quittait pas le coin de ses lèvres […] je me suis rendu compte que je pleurais […] J'étais tout entier tendu vers ce type, vers la douce tristesse qu'il distillait, mot à mot. Je me souviens du son de sa trompette. Je me souviens de sa voix. Je me souviens que la chanson s'appelait The touch of your lips […] Je me souviens que ce jour-là, j'ai rêvé de devenir trompettiste. Je me souviens que ce type désespéré s'appelait Chet Baker" (p.29-30) "Dès l'intro du premier thème, je scrute la salle […] J'enchaîne les morceaux sans m'arrêter. Guitare qui cascade des notes rondes, contrebasse doum-wizzz-doum-doum-bam. Souffler léger. Retenir le timbre. Murmurer un phrasé comme on parle à l'oreille, à la Chet […] J'attaque The touch of your lips" (p.34-35) "Les musiciens arrivent les uns après les autres, se tapant dans les mains à la manière des Noirs Américains, paume contre paume. Je retrouve la section cuivre, le tromboniste vient juste de sortir de l'Opéra, il est encore en frac et en nœud papillon, à côté de lui deux saxos ténors et un baryton. Répétition rhythm & blues. Le batteur lance la reprise de caisse claire, martèle la grosse caisse et la charley. Riff de guitare électrique. Doum-doum de la basse. L'orgue Hammond ronfle et crache. Attention: riff de cuivre. Le chanteur, un Noir géant de plus de deux métres, se plante jambes écartées devant le micro et jette la première phrase de Sex machine de James Brown. Get up […] Un jour le père de Chet Baker, qui était un fan de Jack Teagarden, ramena un trombone à la maison, mais Chet était petit pour son âge et le trombone fut changé pour une trompette […] J'veux me chanter Almost blue de Chet Baker" (p.48-49) "Sur l'enregistrement de My funny Valentine par le quartette de Gerry mulligan en 1953, on peut entendre la première performance vocale d'un jeune chanteur. Ce chanteur n'est autre que le trompettiste du groupe, le déjà légendaire Chet Baker […] Chet ne tarda pas à être aussi apprécié comme chanteur que comme trompettiste, il y gagna un public plus large et bien sûr féminin" (p.86-87) "Au fil des années, Chet enregistre un nombre impressionnant d'albums, trop peut-être […] qualité discutable, mais Chet s'en fout, Chet se fout de l'argent, Chet se fout d'avoir toutes les filles, Chet se fout d'avoir du succès ou pas. Chet joue, tous les soirs, tous les jours, penché sur sa trompette, levant juste un œil nerveux par moments si quelqu'un fait du bruit dans la salle. Et Chet se fout du reste […] En posant la trompette sur mes lèvres, j'ai tout de suite senti que je n'avais pas joué hier. Elles étaient engourdies et douloureuses. Sans leur entraînement quotidien, les lèvres se fatiguent vite et au bout de quelques minutes elles ne vibrent plus. Je les chauffe donc en les laissant au contact sans souffler, puis je forme une note détendue, et une autre, pour les faire travailler" (p.119) "En 1969, à Sausalito, Chet Baker fut agressé dans la rue […] les lèvres en bouillie. Ils lui avaient cassé son autre incisive […] dents déjà endommagées par la drogue […] Chet les fit toutes retirer […] il essaya un dentier mais n'arriva pas à tirer le moindre son avec. alors il arréta de jouer et trouva du travail dans une station-service" (p.126) "Un des problèmes principaux des trompettistes, c'est la faim. Ils ont tout le temps faim, comme les chanteurs d'opéra, à cause de cette respiration ventrale qui bloque la colonne d'air et la fait monter. Le diaphragme, en travaillant, comprime l'estomac qui est juste en dessous, alors l'estomac, malmené a toujours faim" (p.137) "Comme beaucoup de gens qui ne connaissent pas la trompette, il pensait qu'on soufflait dedans et que les pistons servaient à jouer les notes comme sur un piano. Je dus lui expliquer qu'en fait, on chantait dans la trompette en faisant vibrer ses lèvres comme un kazoo et que les pistons ne servaient qu'à accorder les fréquences des notes avec la longueur du tuyau qui les faisait sonner, sinon, ne passaient que les cinq notes du clairon" (p.141) "Chet avait ce son particulier, sans vibrato, à la limite du murmure. Dans les clubs, il jouait assis, la trompette penchée en avant, pavillon vers le sol […] Chet jouait avec les notes dont il avait besoin, sans souci de démonstration. Il les laissait couler de ses lènres sans chercher à les retenir, mais il y mettait plus d'émotion que personne n'en avait jamais mis" (p.142) "Ceux qui ont vu le film de Bruce Weber Let's get lost ou la pochette de l'album Last concert se souviendront de Chet comme ça: le visage défait, creusé de profondes rides, une bouche sans dents, les cheveux gras plaqués en arrière […] Les autres se souviendront de sa gueule d'ange. Quand Chet avait vingt ans, qu'il était beau -trop peut-être- et que les filles s'arrachaient sa photo […] Tous se souviendront qu'un jour, Chet leur a offert quelque chose. Un petit espace où loger leur émotion quelques instants. Une sorte de compagnie. Parce que la musique de Chet venait du coeur, comme tous les cadeaux" (p.164).
Aussi cités: Charlie Parker, les Doors, Nat King Cole.

#0020 - Maryse CONDE


CONDE Maryse, Desirada, 1997, Laffont
Notes: "Aussi, elle le mettait en colère lorsqu'elle confondait Sarah Vaughan avec Bessie Smith" (p.41) "Le matin, dès qu'il arrivait à se tirer du lit, il serrait son précieux saxo dans ses bras et s'en allait à des répétitions qui n'en finissaient pas. Il réapparaissait au début de la soirée, et disparaissait à nouveau pour se rendre au Ramada où il jouait tous les soirs […] Chaque fois elle s'était sentie moins à sa place dans ce temple ou l'on ne tolérait qu'une seule passion, la musique. Dans l'odeur de la fumée et des alcools forts, les fidèles étaient là a dodeliner de la tête, à battre des mains en mesure, puis brusquement, comme saisis, à pousser des cris aigus et à applaudir avec fièvre. Stanley était lointain, aveugle, indifférent à tout sauf aux sons de son instrument, il avait l'air de souffrir autant qu'un martyr" (p.79) "Depuis plusieurs mois, il entretenait des contacts avec The Full Moon, un club de jazz de Boston […] C'est là que, pour la première fois aux Etats Unis, on avait pu apprécier de la musique cubaine, bien longtemps avant que Dizzy Gillespie ne prenne Chano Pozo sous contrat à Harlem" (p.80) "Soit, l'engagement au Full Moon n'était que pour quelques mois. Mais il avait la certitude qu'il serait renouvelé. Sinon, il trouverait à jouer dans un autre club. Et puis, New York avec son festival de jazz réputé est à coté de Boston. Et puis, New York avec The Blue Note et tous les clubs du Village n'en est qu'a quelques heures" (p.95) "Derrière une façade peu gaie, une boite du quartier Réaumur-Sébastopol où un quintette jouait du jazz antillais […] La musique coula son baume dans le cœur de Marie-Noelle. Ces harmonies heurtées, ces dissonnances lui étaient familières et c'était comme si de vieux amis réunis jouaient pour sa peine" (p.259).

#0019 - Henry TROYAT


TROYAT Henri, La case de l'oncle Sam, 1948, La Table Ronde
Notes: "Allez donc au Savoy de Harlem. […] Lorsque l'orchestre se remit à jouer […] Possédés par le rythme, ils se trémoussaient avec une allégresse, une légèreté et une invention diabolique. Des anthropophages aux dentures de sucre faisaient virevolter à bout de bras d'impondérables loques noires, les jetaient loin d'eux, les rattrapaient, les passaient par-dessus leurs épaules, les supprimaient, les divisaient, les doublaient en un temps record. D'autres, presque immobiles et hiératiques devant leurs compagnes pétrifiées, paraissaient habités par un tremblement intérieur. au bout d'un moment, on s'apercevait que leurs genoux et leur ventre ondulaient doucement […] La mélodie syncopée fusait par les orteils, les coudes et les omoplates de cinq cents couples hystériques […] Très vite, j'eus le sentiment que les nègres du Savoy n'étaient pas assemblés là pour se distraire mais pour créer. J'assistais à une création collective et sans lendemain" (p.109-110) "Un chœur d'hommes et de femmes, massé derrière le pasteur, entonnait déjà une chanson grave et monotone, soutenue par les mugissements des grandes orgues. Les spirituals succédaient aux spirituals sans interruption, et toujours sur un rythme plus accéléré. Les voix pures et justes se mariaient en un seul fleuve noir. Des têtes se balançaient en cadences. Des mains battaient la mesure. J'entendis soudain un bourdonnement de tam-tam et remarquai que toute l'assistance tapait des pieds sur le sol pour accompagner la chanson. L'œil chaviré, la bouche ouverte, ma voisine sautillait sur place. Le vieux nègre, à ma gauche, frappait le banc avec le manche de sa canne. Puis il se mit à chanter. Toute la salle chanta" (p.203) "Un appareil à sous […] un air de musique diffusé par haut-parleur […] Mis en humeur par les accents du jazz, je décrétai même que nous finirions la soirée dans un Burlesque de Chicago" (p.289).

#0018 - Joseph TROPIANO


TROPIANO Joseph, Big night (Big night), 1996, J'ai Lu 1997, Trad. Evelyne Châtelain
Chez The King of the Pasta, on espère la visite d'une grande vedette de jazz et on lui prépare un repas de choix. Qui peut-on attendre d'autre dans un tel restaurant de pasta que… ? Vous allez vite deviner. "Dans le coin de la salle, il y a une chanteuse en robe pailletée […] Elle chante O sole mio, une célèbre chanson italienne, je suis sûr que vous la connaissez, mais je ne l'ai jamais entendu chanter comme ça avant. On dirait un air de jazz […] Un gros aux cheveux frisés, avec des yeux exorbités et des grosses lèvres, qui tient une trompette à la main. -Regarde, tu vois, c'est moi et Louis Prima […] Louis Prima. Je le connais bien […] Il joue de la trompette et il chante des airs de jazz. Il chante aussi des vieilles chansons italiennes transformées en jazz, comme O Marie […] Pour Louis Prima et son orchestre le soir de relâche […] Louis Prima. Chez nous ! […] J'ai envie de le réveiller pour lui parler de Louis Prima […] Cette semaine, il a fait que me parler de son Louis Prima. Louis Prima par-ci, Louis Prima par là, c'est tout ce que j'entends. Il dit qu'il faut prévoir un menu pour Louis Prima […] Et si Louis Prima il aime pas ci, et si Louis Prima il aime pas ça. Il me fatigue avec son Louis Prima !". Vous avez deviné qui vient dîner ce soir ? Non ? Voici encore quelques indices: "Il pense que quand Louis Prima il viendra, après tout ça ira mieux […] Il faut se préparer pour Louis Prima […] Je lui ai parlé de Louis Prima […] Un grand chanteur de jazz il vient. Louis Prima". Là, vous avez deviné ? Nous ne sommes qu'à là moitié du livre. Louis Prima est attendu, en vain, jusqu'à la dernière page. En cours de route, nous avons droit à quelque succulentes recettes Italiennes. Au cas où Louis Prima viendrait !

#0017 - Jean VERTEX


VERTEX Jean, Bistrots, reportages Parisiens, 1935, Louis Querelle, Illustrations de d'Esparbès, R. Guérin, Gen-Paul, R. Naly, J. Sennep, Vallaud.
Pour le chapitre Nègres de Montmartre: "Pourtant, si j'avais vraiment envie de voir danser des nègres, si c'était la condition de mon bonheur ce soir ? […] Aujourd'hui, par exemple, tu ferais ton bonheur d'un nègre de jazz-band. -Imbécile ! D'abord ça n'est pas si bête un nègre de jazz. -Oui, oui, je sais: le saxophone. Tu adores le saxophone […] L'or des instruments vibrait sous les doigts bruns qui concevaient des accords hystériques […] L'orchestre s'enflamma. Déferlant en cascades de notes tropicales sur le bistrot fébrile, roulant en des remous fougueux, les instruments fondaient leurs sortilèges […] Le saxophone aux sanglots étranglés aux longs appels sauvages où planent du désir, de la folie, du vice, de la joie délirante, du meurtre et du soleil, le piano, gros bourgeois paillard qui ricane avec des hoquets d'homme ivre, et l'ukulélé qui chuchotte son chant de cigale exotique, et l'accordéon gouailleur […] Les femmes se livraient au roulis érotique de la danse créole […] Soudain une voix s'éleva que seul le saxo conduisait […] Crazy people, crazy people / Why are you so sad here below ? […] La petite ne dansait plus: prisonnière de son nègre de jazz, le corps soudé à lui […] Crazy people, crazy people / Why ever say: oh ! What a pain ! […] Quand le chanteur de jazz m'eût rendu sa danseuse […] Ah ! Parles-en du bistrot nègre. Et parles-en de ton chanteur de jazz ! Un vrai rasta, pendant tout le temps qu'a duré la danse ses yeux n'ont pas cessé de convoiter ma bague" (p.141-153).

#0016 - Jack WOMACK


WOMACK Jack, Terraplane (Terraplane), 1988, Denöel 1991 Présence Du Futur N°523, Trad. Jean Bonnefoy
Si Robert Johnson n'apparaît pas en personne dans ce polar espio-science-fictionnel, sa musique y est omniprésente. L'un des héros, Jake, connaît par cœur l'œuvre de celui qu'il considère comme "le plus grand chanteur de blues du siècle passé". Chaque fois qu'il se sentait envahi par une paix imméritée, "il plongeait sous ses écouteurs pour se balafrer à nouveau de ces mélodies depuis longtemps perdues" (p.59-60) Jake et Luther, agents américains travaillant pour une multinationale plus puissante qu'un état, en mission dans une Russie néo-stalinisante du XXIe siècle, retrouvent la jeune et belle scientifique Oktobriana et sont propulsés, par la magie de la technologie spatio-temporelle, dans le New York de 1939, où ils manquent de peu un concert de Robert Johnson (sic ! Mort en 38 !).